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Politique étrangère de la France en Afrique: les droits humains et la démocratie aux abonnés absents

[English version at the end]

28 février 2023.

Dans le cadre de visites diplomatiques sur le continent africain, le Président Emmanuel Macron se rendra en République démocratique du Congo (RDC) le 5 mars, après avoir visité le Gabon, l’Angola et le Congo-Brazzaville. 31 organisations de la société civile encouragent la France à placer la défense des droits humains et le respect de la démocratie au coeur de sa politique étrangère.

La visite du Président français Emmanuel Macron en RDC, le plus grand pays francophone au monde, aura lieu dans un contexte particulièrement difficile pour le peuple congolais. Quand la violence dure depuis plus de trente ans, peut-on encore parler de crise ? Fin 2021, alors qu’il était présumé dispersé, le groupe rebelle du Mouvement du 23 Mars (M23) est réapparu dans l’est du pays où de nombreux autres groupes armés opèrent, engendrant de nouveaux épisodes de violence et des conflits localisés. Les civil·es, en particulier les femmes, en sont, comme toujours, les premières victimes. La situation humanitaire est critique, et la montée des discours de haine ajoutent de l’huile sur un brasier déjà ardent qui pourrait enflammer les autres pays de la région. Les élections prévues en décembre 2023 constituent une étape cruciale dans la consolidation de la vie démocratique du pays mais représentent un défi tant du point de vue de leur organisation logistique qu’au vu de la situation politique et sécuritaire dans laquelle elles s’inscrivent.

En 2017, alors qu’il venait d’être élu pour la première fois, le Président français avait déclaré devant les étudiants africains à Ouagadougou qu’il envisageait « d’être aux côtés de ceux qui travaillent au quotidien à rendre la démocratie et l’État de droit irréversibles ». Près de six ans plus tard, il est plus que jamais temps que ces déclarations soient mises en oeuvre. La visite du Président E. Macron dans les Grands Lacs est une opportunité de faire de la diplomatie française en faveur des droits humains plus qu’un voeu pieu, une réalité.

La RDC est dotée d’une société civile active et dynamique, qui veille au bon fonctionnement de la vie démocratique dans le pays. Activistes, défenseur·euses des droits humains et journalistes sont engagés aux côtés de la population congolaise, souvent au péril de leur vie. Cette première visite du Président E. Macron en RDC doit être la plus inclusive possible, notamment dans le contexte de tension actuel. À ce titre, il est fondamental que la société civile congolaise puisse être entendue. Nous encourageons fortement le Président à inclure dans son programme des concertations avec ses représentant·es alors que la population congolaise s’interroge sur les ambivalences de la position française. Les annonces récentes de la France et de l’Union Européenne (UE) sur le positionnement du Rwanda dans le contexte régional, avec d’une part la condamnation du soutien du Rwanda aux rebelles de M23 en RDC et d’autre part, l’octroi d’une aide de 20 millions d’euros aux forces rwandaises pour leur intervention au nord du Mozambique – où de lourdes allégations pèsent sur la préservation des intérêts économiques de l’entreprise française TotalEnergies – ont suscité des questionnements légitimes. Les risques et impacts pour les droits humains de tels projets ont déjà été analysés et dénoncés par la société civile, ainsi que par le Parlement européen, dans le cadre de l’exploitation par TotalEnergies du pétrole du lac Albert, entre la RDC et l’Ouganda. À cet égard, il est primordial que la France adopte une position ferme qui appelle au respect des droits humains, assure des investissements responsables et des relations économiques respectueuses des normes internationales et de l’environnement en RDC, et plus globalement en Afrique. La France doit profiter de sa visite en RDC et en Afrique pour s’enquérir de la mise en oeuvre effective du devoir de vigilance par les entreprises qui opèrent et déploient leur chaine de valeur en RDC.

Depuis le 20 février, l’UE s’est dotée d’une nouvelle stratégie sur les Grands Lacs qui privilégie les aspects économiques comme réponse globale aux conflits dans la région au détriment des politiques basées sur le respect des droits humains et la bonne gouvernance. Alors que la visite du Président E. Macron arrive après celle du Pape François à Kinshasa en janvier 2023, où ce dernier a fermement condamné le pillage des pays africains et de la RDC, il est essentiel que la France soutienne les initiatives visant à appréhender les causes profondes des conflits de la sous-région. Un appui à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves et aux efforts de justice transitionnelle en cours, ainsi qu’un soutien aux efforts et processus de paix initiés devraient être au coeur de la visite de la France en RDC. Si la montée en puissance d’acteurs comme la Chine ou la Russie sur le continent africain est aujourd’hui une réalité qui contrarie la place de l’UE dans la région des Grands Lacs, c’est dans les valeurs démocratiques et des droits humains que la coopération européenne et française trouve sa valeur ajoutée, et non dans la compétition économique accrue avec des acteurs comme la Chine et la Russie.

S’agissant du processus électoral en RDC, il est important de rappeler au gouvernement congolais ses propres engagements en termes d’inclusivité, de respects des droits civils et politiques, mais également en termes de participation et représentation politique des femmes dans ce processus, en vertu de la loi de 2015 sur la parité. Soutenir la mise en oeuvre effective de ces engagements, c’est soutenir les efforts des autorités congolaises visant à rétablir la confiance de la population congolaise envers ses institutions, ce qui est indispensable pour l’instauration d’un environnement propice à la tenue d’élections crédibles et apaisées. Pendant cette période électorale, il est également important d’apporter un soutien au Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme (BCNUDH) dans son mandat de monitoring et reporting de la situation des droits humains en RDC, ainsi qu’aux mécanismes de protection des défenseur·se·s des droits humains.

Les organisations signataires appellent le Président Emmanuel Macron à placer au coeur de sa politique étrangère la défense des droits humains et le respect de la démocratie :

  • En promouvant un dialogue inclusif avec la société civile congolaise – garante du respect des principes démocratiques – en incluant dans son programme des rencontres avec ses représentant·e·s;
  • En clarifiant la position de la France en terme de coopération militaire et sécuritaire, en particulier vis-à-vis des forces rwandaises en privilégiant la mise en oeuvre d’une politique de diligence voulue en matière de droits humains pour tout appui au secteur de sécurité et de défense;
  • En soutenant les processus de paix en cours et des initiatives visant à traiter les causes profondes des conflits, notamment la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves;
  • En s’engageant de façon ferme en faveur de la loi relative au devoir de vigilance des multinationales, adoptée en 2017 par le Parlement français, concernant notamment les activités de TotalEnergies dans le lac Albert;
  • En soutenant les financements et investissements respectueux des engagements internationaux de la France pour l’environnement, la démocratie et les droits humains en RDC et en Afrique;
  • En promouvant dans son dialogue politique bilatéral avec les autorités congolaises, l’ouverture de l’espace démocratique et des droits humains comme conditions préalables à des élections crédibles et apaisées, notamment en ce qui concerne les droits à la liberté de réunion, d’association et de manifestation ainsi que la protection des défenseur·se·s des droits humains.

Liste des organisations signataires :

  1. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture de République démocratique du Congo (ACAT RDC)
  2. Actions Sans Frontières (AFRO)
  3. Agir ensemble pour les droits humains
  4. Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO)
  5. Célébrons le courage de la Femme
  6. Centre de Recherche et d’information pour le développement (CRID)
  7. Centre International pour la Promotion de Développement et des Droits de l’Homme (CEIPDHO)
  8. Collectif Simama Congo (COSIC)
  9. Commission Justice et Paix Belgique francophone
  10. Congolese International Congres (CIC)
  11. Emmaüs International
  12. Ensemble contre la peine de mort (ECPM)
  13. Fédération internationale des ACAT (FIACAT)
  14. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
  15. Foundation for Human Rights Initiative (FHRI) (Uganda)
  16. Groupe Lotus (RDC)
  17. Justicia, asbl
  18. Karibu Jeunesse Nouvelle (KJN)
  19. Le Mouvement de la Paix
  20. Ligue burundaise ITEKA
  21. Ligue des Electeurs (RDC)
  22. Misereor
  23. Nouvelle Dynamique de la Société Civile en RDC (NDSCI)
  24. Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda (ODHR)
  25. Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
  26. Protection International
  27. Réseau européen pour l’Afrique Centrale (EurAc)
  28. SAPI International
  29. SOS IJM
  30. Tournons La Page (TLP)
  31. Vision Social (VISO)


[English version]

France’s foreign policy in Africa:
human rights and democracy absent

February 28, 2023. As part of diplomatic visits to the African continent, President Emmanuel Macron will travel to the Democratic Republic of Congo (DRC) on March 5, after visiting Gabon, Angola, and Congo-Brazzaville. 31 civil society organizations are encouraging France to place the defense of human rights and respect for democracy at the heart of its foreign policy.

French President Emmanuel Macron’s visit to the DRC, the largest French-speaking country in the world, will take place in a particularly difficult context for the Congolese people. When violence has been going on for more than 30 years, can we still talk about a crisis? At the end of 2021, the rebel group March 23 Movement (M23), presumed to have disbanded, reappeared in the east of the country where many other armed groups operate, creating new episodes of violence and localized conflicts. Civilians, especially women, are, as always, the primary victims. The humanitarian situation is critical, and the rise of hate speech is adding fuel to an already burning inferno that could ignite other countries in the region. The elections scheduled for December 2023 are a crucial step in the consolidation of the country’s democratic life, but they represent a challenge both from the point of view of their logistical organization and in view of the political and security situation in which they will take place.

In 2017, when he had just been elected for the first time, the French President had declared before African students in Ouagadougou that he planned “to stand by those who work daily to make democracy and the rule of law irreversible.” Nearly six years later, it is more than ever time for these statements to be put into action. The visit of President E. Macron to the Great Lakes is an opportunity to make French diplomacy in favor of human rights a reality.

The DRC has an active and dynamic civil society, which ensures the proper functioning of democratic life in the country. Activists, human rights defenders, and journalists are committed to the Congolese people, often at the risk of their lives. President E. Macron’s first visit to the DRC must be as inclusive as possible, particularly in the current context of tension. As such, it is essential that Congolese civil society be heard. We strongly encourage the President to include in his program consultations with its representatives while the Congolese population wonders about the ambivalence of the French position. The recent announcements by France and the European Union (EU) on Rwanda’s position in the regional context, with the condemnation of Rwanda’s support for the M23 rebels in the DRC on the one hand, and the granting of 20 million euros in aid to Rwandan forces for their intervention in northern Mozambique on the other – where serious allegations have been made about the preservation of the economic interests of the French company TotalEnergies – have raised legitimate questions. The risks and impacts of such projects on human rights have already been analyzed and denounced by civil society, as well as by the European Parliament, in the context of TotalEnergies’ exploitation of oil in Lake Albert, between the DRC and Uganda. In this respect, it is essential that France adopt a firm position that calls for respect for human rights, and ensure responsible investment and economic relations that respect international standards and the environment in the DRC, and more generally in Africa. France must take advantage of its visit to the DRC and Africa to inquire about the effective implementation of the duty of care by companies operating and deploying their value chain in the DRC.

Since February 20, the EU has had a new strategy on the Great Lakes that focuses on economic aspects as a global response to conflicts in the region to the detriment of policies based on respect for human rights and good governance. While the visit of President E. Macron comes on the heels of Pope Francis’ visit to Kinshasa in January 2023, where he strongly condemned the plundering of African countries and the DRC, it is essential that France support initiatives aimed at understanding the root causes of conflicts in the sub-region. Support for the fight against impunity for the most serious crimes and for ongoing transitional justice efforts, as well as support for the peace efforts and processes initiated, should be at the heart of France’s visit to the DRC. If the rise of actors such as China or Russia on the African continent is today a reality that counteracts the place of the EU in the Great Lakes region, it is in democratic values and human rights that European and French cooperation finds its added value, and not in increased economic competition with actors such as China and Russia.

Regarding the electoral process in the DRC, it is important to remind the Congolese government of its own commitments in terms of inclusiveness, and respect for civil and political rights, but also in terms of the participation and political representation of women in this process, in accordance with the 2015 law on parity. Supporting the effective implementation of these commitments means supporting the efforts of the Congolese authorities to restore the confidence of the Congolese population in its institutions, which is essential for the establishment of an environment conducive to holding credible and peaceful elections. During this electoral period, it is also important to support the United Nations Joint Human Rights Office (UNJHRO) in its mandate to monitor and report on the human rights situation in the DRC, as well as the mechanisms for the protection of human rights defenders.

The signatory organizations call on President Emmanuel Macron to place the defense of human rights and respect for democracy at the heart of his foreign policy:

  • By promoting an inclusive dialogue with Congolese civil society – guarantor of the respect of democratic principles – by including in his program meetings with its representatives;
  • By clarifying France’s position in terms of military and security cooperation, in particular with regard to Rwandan forces, by promoting the implementation of a policy of due diligence in terms of human rights for all support to the security and defense sector;
  • Supporting ongoing peace processes and initiatives to address the root causes of conflict, including the fight against impunity for the most serious crimes;
  • By making a firm commitment to the law on the duty of vigilance for multinationals, adopted in 2017 by the French Parliament, particularly concerning TotalEnergies’ activities in Lake Albert;
  • By supporting financing and investments that respect France’s international commitments to the environment, democracy and human rights in the DRC and Africa;
  • By promoting, in its bilateral political dialogue with the Congolese authorities, the opening up of democratic space and human rights as prerequisites for credible and peaceful elections, particularly with regard to the rights to freedom of assembly, association and demonstration and the protection of human rights defenders.

List of signatory organisations:

  1. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture de République démocratique du Congo (ACAT RDC)
  2. Actions Sans Frontières (AFRO)
  3. Agir ensemble pour les droits humains
  4. Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO)
  5. Célébrons le courage de la Femme
  6. Centre de Recherche et d’information pour le développement (CRID)
  7. Centre International pour la Promotion de Développement et des Droits de l’Homme (CEIPDHO)
  8. Collectif Simama Congo (COSIC)
  9. Commission Justice et Paix Belgique francophone
  10. Congolese International Congres (CIC)
  11. Emmaüs International
  12. Ensemble contre la peine de mort (ECPM)
  13. Fédération internationale des ACAT (FIACAT)
  14. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
  15. Foundation for Human Rights Initiative (FHRI) (Uganda)
  16. Groupe Lotus (RDC)
  17. Justicia, asbl
  18. Karibu Jeunesse Nouvelle (KJN)
  19. Le Mouvement de la Paix
  20. Ligue burundaise ITEKA
  21. Ligue des Electeurs (RDC)
  22. Misereor
  23. Nouvelle Dynamique de la Société Civile en RDC (NDSCI)
  24. Observatoire des Droits de l’Homme au Rwanda (ODHR)
  25. Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
  26. Protection International
  27. Réseau européen pour l’Afrique Centrale (EurAc)
  28. SAPI International
  29. SOS IJM
  30. Tournons La Page (TLP)
  31. Vision Social (VISO)

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